Dans notre cerveau limbique ou cerveau émotionnel, comme tous les mammifères, nous avons une hiérarchie sociale inconsciente, où chacun de nous a un positionnement qui nous pousse constamment à nous comparer et rivaliser pour les différentes ressources. C’est la raison pour laquelle les enfants se querellent et crient à l’injustice. Ils se querellent pour avoir encore plus de ressources comme par exemple notre attention, et cela peu importe si elle est positive ou négative.
D’où vient la rivalité?
Lorsque nous n’apprenons pas à donner de l’importance aux autres, c’est-à-dire à développer des comportements sociaux, c’est cette hiérarchie qui prend le dessus. Nous devons apprendre à faire un recul sur notre premier réflexe à vouloir rivaliser. En effet notre instinct mammifère peut nous amener à vivre beaucoup de conflits et même augmenter l’agressivité et l’intolérance dans un groupe ou notre famille.
D’une part nous faisons preuve d’un certain instinct grégaire c’est-à-dire une tendance à se regrouper, et d’autre part nous cherchons à rivaliser. De plus nous sommes inconscients de la plupart des fonctions de notre cerveau reptilien (cerveau primitif où se trouve l’instinct de survie et les réactions au stress) et de notre cerveau limbique (le cerveau des émotions et aussi où se trouvent les comportements grégaires).
Et si nous n’incorporons pas un élément de conscience dans nos comportements, ce sont nos pulsions de vie qui nous contrôlent, tout à fait comme des animaux sociaux et grégaires que nous sommes. Dans cette hiérarchie, l’égalité et l’équité n’existent pas, c’est la loi du plus fort qui domine.
Une société égalitaire et équitable
À mon avis pour qu’une société soit juste, il importe qu’elle reconnaisse non seulement l’égalité de tous ses membres, mais aussi leurs différences en matière de besoins, de situations ou de contextes de vie, tel qu’il est mentionné dans la chartre des droits de l’homme.
En plus de traiter de manière impartiale tous les membres d’une société donnée et de partager équitablement les ressources, la justice cherche à éliminer, dans la mesure du possible, les inégalités ou iniquités.
Peut-être que c’est ce que nous devrions rechercher dans notre famille? Ainsi nos enfants intégreront ces principes et pourront les reproduire dans les différents milieux qu’ils fréquentent. Pour cela, il faudrait aller à l’encontre de notre nature instinctive, car notre cerveau reptilien ne cherche pas à partager, mais bien le contraire, à accumuler toujours plus. Ce qui est très important à savoir c’est que plus nous sommes stressé et plus c’est notre instinct qui domine. Pour en savoir plus à cet effet c’est par ici
Comment ça se passe dans notre cerveau?
En effet, le cerveau reptilien se pose continuellement la même question : « Suis-je en sécurité? Vais-je en avoir suffisamment? ». Pour nous garder en sécurité, le cerveau reptilien agit d’une façon radicalement différente de notre cortex, notre partie cérébrale la plus évoluée et raisonnée. En effet le cerveau reptilien ou vieux cerveau primitif fonctionne avec des symboles, des images et des ressentis; il généralise, limitant ainsi un travail de précision.
Lorsque nous rencontrons quelqu’un, notre cerveau reptilien reçoit l’image et la compare avec celles déjà emmagasinées afin de distinguer les informations cruciales et de décider : « j’aime ou je n’aime pas ». « Est-ce un ami ou un ennemi? Est-ce que je dois me soumettre ou attaquer? ». Il utilise comme identification rapide et générale six catégories de base :
- est-ce que je prends soin de cette personne?
- est-ce cette personne prend soin de moi?
- est-ce que je dois fuir cette personne?
- est-ce que je dois me soumettre à cette personne?
- est-ce que je dois attaquer cette personne?
- est-ce que je peux avoir des rapports sexuels avec cette personne?
À titre d’exemple, notre cerveau limbique nous dit : « j’aime cette personne, j’ai déjà joué avec elle et elle a été gentille avec moi ». Notre cortex reconnaît et identifie le visage et leur attribuer un nom; « il s’agit de Marie qui va à la même école que moi. Nos mamans sont des amies ». Pour notre cortex et notre lobe frontal Marie a autant de valeur que moi, même si elle est différente de moi, elle est importante .
Nous sommes constamment influencés par notre cerveau reptilien et notre cerveau limbique, et les enfants le sont davantage que les adultes, car les connexions neuronales vers le cortex ne sont pas encore très développées. Le cortex gère la pensée complexe et sont le moteur de la curiosité, de la résilience, de la compassion, de l’empathie, de l’introspection, de l’ouverture d’esprit, de la résolution de problèmes et même du sens moral. Les enfants commencent à développer les valeurs morales à l’âge de 5 et 6 ans.
Nous savons maintenant que les groupes les plus performants ne sont pas ceux qui détiennent le plus de super stars mais ceux qui ont le plus de capital social. Pour en savoir plus, vous pouvez écouter ce Ted Talk de Margaret Heffernam.
Comment ça se passe pour nos enfants?
En grandissant, les enfants peuvent apprendre à avoir de plus en plus souvent recours aux fonctions de cette partie de leur cerveau et à y être attentifs. Autrement dit, nous avons le pouvoir de leur enseigner ce qui leur permettra de développer cette zone essentielle qui permet plus de bienveillance et de conscience dans leurs comportements.
Ils seront ainsi plus en mesure de contrôler leur corps et leurs émotions, tout en écoutant plus attentivement leur petite voix intérieure et en étant davantage eux-mêmes. C’est pour cette raison, que nous adultes, devons créer un environnement propice au développement de ces connexions.
En effet, il y a une configuration de neurones qui aide les enfants et les adultes à aborder le monde avec résilience, empathie, authenticité, ouverture d’esprit et bienveillance. Lorsque nous sommes stressés ou que notre cerveau n’est pas intégré, c’est-à-dire qu’il y a des blocages émotionnels ( des blessures du passé qui font que nous sommes réactifs), ce sont les zones les plus primitives qui sont mobilisées, au détriment du cortex préfrontal. Et par conséquence nos comportements seront davantage réactifs, agressifs et compétitifs.
Le cerveau reptilien va s’activer en réponse à une menace ou à une attaque imminente. Il est sans cesse sur la défensive, craignant de faire des erreurs ou que la curiosité lui attire des ennuis. Il peut également passer à l’offensive, en repoussant toute information nouvelle et en combattant ce qui vient d’autrui et ce qui est différent. L’attaque et le rejet sont ses deux stratégies pour affronter toutes situations différentes et inconnues.
Un cerveau stressé ne voit ainsi que compétition et menace dans le monde, qu’il aborde avec obstination, rigidité et anxiété, étant alors bien moins capable de faire face aux difficultés et de parvenir à une bonne compréhension de soi et des autres. Les enfants qui fonctionnent sur ce mode sont à la merci des circonstances et de leurs ressentis. Ils sont emprisonnés par leurs émotions, qu’ils sont incapables de réguler. C’est pourquoi ils ont la sensation ou la conviction que le monde entier se ligue contre eux. De là l’importance de l’accompagnement des parents pour les aider à trouver des solutions afin de réagir plus sainement, en ne ressentant pas une attaque ciblée , mais plutôt une opportunité d’ouverture et de curiosité.
Ces enfants s’inquiètent, souvent de manière obsessionnelle, à l’idée d’affronter la nouveauté ou de faire une erreur, au lieu de prendre des décisions motivées par la curiosité et l’ouverture d’esprit. C’est généralement l’obstination qui fait la loi dans un cerveau stressé.
Plus l’enfant est jeune et moins son cerveau est développé ce qui le fait réagir tout comme un cerveau adulte anxieux et stressé. En effet plus l’enfant est jeune et plus il sera réactif, car il n’a pas encore les connexions nécessaires pour s’autoréguler. C’est à nous adultes, de le guider vers plus d’empathie, de douceur, de structure et de souplesse envers lui-même et les autres et d’intégrer les principes d’égalité et d’équité dans le choix des solutions.
La plupart des parents que je rencontre vont utiliser le principe d’égalité, car ils ne souhaitent pas créer de distinction entre leurs enfants et privilégier un enfant au détriment des autres. Mais qu’en est-il de l’équité? L’équité consiste à répondre aux besoins spécifiques des enfants. Je crois qu’un manque d’équité c’est-à-dire de justice peut amplifier notre intolérance à la différence des autres et ainsi décupler la rivalité. Comme nous trouvons les conflits difficiles, nous avons tendance à essayer de les éviter et la stratégie d’être égalitaire et d’agir de la même façon pour tous les enfants peuvent avoir l’effet inverse.
J’explique dans cette vidéo comment travailler consciemment avec ces deux principes, l’égalité et l’équité et comment développer la bienveillance dans notre famille ou dans notre classe et ainsi « câbler » les cerveaux positivement. Un cerveau positif est un cerveau heureux. Si vous désirez en savoir davantage sur les cerveau heureux c’est ici.
POUR CE FAIRE
- donner l’exemple du modèle collaboratif dans la famille: en effet il est normal que les enfants rivalisent et compétitionnent entre eux au niveau des ressources, puisque nous les adultes nous le faisons aussi. Pour en savoir davantage sur le modèle collaboratif et la rivalité c’est ici
- discuter avec les enfants de ces deux principes, égalité ou équité, et lequel selon eux serait à privilégier selon les contextes. Au lieu de toujours privilégier l’égalité au moment de la distribution des ressources, nous pourrions questionner si l’utilisation de l’équité serait préférable, c’est-à-dire comment mieux répondre aux besoins de chaque enfant. Par exemple, cesser de servir tout le monde de façon égale et plutôt servir chaque enfant selon son appétit, sa soif. Est-ce que nous donnons à tous les enfants des cadeaux de la même valeur? Prendre en considération les besoins de chacun lorsque c’est possible et privilégier le groupe à d’autres moments. Par exemple, un enfant de la famille aura besoin davantage de soutien pour ces études ou pour ses routines. .
- enseigner à nos enfants qu’ils sont tous différents et qu’ils ne doivent pas se comparer aux autres : car même s’ils ont tous les mêmes besoins d’amour, de soins, de sécurité, de jeux, de mouvement, de communication, de calme, de connexion, de solitude, de célébration, de respect, de soutien, d’attention, d’empathie pour ne nommer que ceux-là, ces besoins ne se manifeste pas de la même façon d’une personne à l’autre et c’est ça qui occasionne les différences. Aussi nous devons nous habituer à parler des besoins au lieu des désirs. Pour voir la distinction c’est ici
- apprendre à nos enfants à être bienveillant envers eux-mêmes : la critique et le jugement envers soi-même est à proscrire. Si nous n’atteignons pas un objectif présentement, nous pourrons l’atteindre plus tard, tout est une question de pratique; pour cette raison chacun doit s’accepter et accepter les autres. Pour en savoir davantage voici mon article La bienveillance pour contrer les insultes chez nos enfants (Note : à partir du point 3, les conseils peuvent s’appliquer selon le cas et dans une certaine mesure tant aux parents qu’aux enfants…)
- nous pouvons nous comparer à nous-mêmes afin de savoir si nous nous améliorons : idéalement en effet c’est aux parents de parler des bons coups de chaque enfant et des efforts qu’il fait pour s’améliorer. Malheureusement nous avons tendance à parler de ce qu’il ne fait pas plutôt que de ce qu’il fait de bien et aussi de ses efforts. Il est important d’être conscient et disponible pour observer, ce qui signifie être capable de nommer ces petits gestes qui sont des graines de qualité à venir. C’est ainsi, entre autres, que nous bâtissons l’identité de nos enfants. Si vous désirez avoir la liste des qualités ou encore le test des forces c’est par ici.
- parler du fait que nous sommes uniques : il n’y a personne de pareil et c’est notre richesse. Il est important en tant que parent d’apprendre à voir les intérêts de chaque enfant et aussi d’être capable de nommer ses qualités spécifiques, afin de le nourrir dans l’atteinte de ses réalisations.
- soyons un modèle positif : exemples, au moment des repas, dans la voiture ou lors des moments de stress, soyons conscients de comment nous demandons les choses, comment nous écoutons les autres. Est-ce que constamment nos émotions débordent ou si nous sommes capables d’empathie? C’est important de parler d’empathie, bien sûr, mais rien ne vaut l’exemple que nous donnons à nos enfants, quant à notre capacité à écouter les autres, à prendre en compte leurs points de vue et leurs opinions, et à nous soucier d’eux. C’est ce modèle que nous leur offrons et qui les aidera véritablement à développer leur empathie, en particulier la compassion dont nous faisons preuve à leur égard quand ils sont en difficulté. C’est en nous voyant faire l’effort de vivre en nous souciant de notre entourage et en tenant compte des besoins des autres que nos enfants trouveront normal que les choses se passent ainsi. L’empathie deviendra alors pour eux un mode de fonctionnement automatique. Pour développer l’empathie dans notre famille c’est ici.
- être un modèle d’authenticité et de bienveillance envers les autres : les sermons du genre : « Tu devrais davantage faire attention à x parce que… » ne sont pas aussi efficaces et sont loin de laisser une marque aussi durable que les expériences vécues. Si nous voyons que notre enfant est très centré sur lui-même, nous pouvons créer des moments de partage, par exemple faire des muffins avec lui et les amener pour collation à son activité sportive.
- vivre l’altruisme dans notre famille et dans la société: encore ici les enfants apprennent l’altruisme, en découvrant la satisfaction et la joie ressenties à aider quelqu’un de manière constructive. Ils en font aussi l’apprentissage quand, ayant décidé de ne pas se soucier d’autrui, ils finissent par se sentir mal à l’aise après coup. La plupart des adultes se souviennent de situations dans leur enfance où ils auraient dû rendre service, mais ne l’ont pas fait; ils se souviennent également de leur mauvaise conscience par la suite et ils le regrettent encore quand ils y pensent. C’est à nous de faire en sorte que nos enfants soient suffisamment tournés vers les autres et leurs émotions, pour que leurs circuits neuronaux se mobilisent et les encouragent à penser à autrui, à se sentir concernés par son sort et à faire ce qui est bien. Il nous incombe de leur offrir un cerveau « câblé » pour se soucier des autres, de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas afin qu’ils puissent participer à une société égalitaire et équitable.
En espérant que cet article vous aide à instaurer davantage d’humanité dans votre famille et par le fait même dans la société
Monique